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Une petite pause

Depuis que les volets sont électriques, le rituel prend moins de temps le soir. Tout est fermé en quelques secondes. Le temps de faire le tour de la maison, le temps d'appuyer sur les boutons. La domotique. Combien de temps faudra-t-il à mon père pour s'y résigner ?  pense-t-elle.  Combien de fois l'avait-elle vu fermer les volets ? Tous les jours pendant dix-huit ans. L'hiver, c'était de plus en plus tôt. L'été, il y avait ce goût d'éternel. Il faisait trop chaud, on laissait tout ouvert pour ne pas s'étouffer.  * * * Quelques années plus tard, ailleurs, on ferme toujours les volets. Pour quelques heures, on s'enferme dans un rassurant cocon. Il lui colle à la peau une impression agréable chargée de nostalgie - celle de retourner en enfance tout en étant pourtant bien loin du foyer familial. Les longs discours à table, l'odeur rassurante du rôti au four, les douces quenelles lyonnaises.  Loin de la Provence, c'est pourtant la même vie simple

La saveur de l'éphémère - "La persistance de la mémoire" Dali

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     Derrière des montagnes, le soleil s'enfonce. Les étoiles ne vont pas tarder à apparaître tandis que les derniers oiseaux discutent. Comme hier.  * * * Coupable de l'altération de nos souvenirs, de leur évaporation même, il nous file entre les doigts. On ne cesse de s'en plaindre parce que l'on a peur. Chaque seconde qui passe est une seconde de moins - quels que soit nos rêves. Il nous rappelle à notre finitude d'être humain.  Et si l'on arrêtait le temps - tragédie de notre condition terrestre ?  * * * Une fois arrivé à Ithaque, que fait Ulysse ? Après être revenus du toit du monde, que font Hillary et Tenzing ? Rêvent-ils de repartir ?  Avoir un ancrage, c'est rassurant mais n'oublions pas que la plupart du temps, la quiétude a pour compagne la cellule. Ce qu'il faut, c'est un bateau ou bien un camp de base sommaire, pas suffisamment confortable pour y rester longtemps.   Parce qu'à trop vouloir figer le temps, ne risquerions-nous pas

Identité remarquable - Souvenir

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 Les identités remarquables, les métaphores, les poésies à apprendre par coeur, le calcul mental sur l'ardoise, les fiches de lecture, les exposés... Même si ce merveilleux panachage a semblé parfois être un calvaire, on garde tous un souvenir heureux de cette période.  L'enfance. On en retient avant tout sa légèreté, son insouciance et ses heures passées à jouer dehors à la récréation ou en pleine nature. Au moment de notre vie où tout ce que l'on souhaite c'est d'être au contact de la nature, on nous enferme six heures par jour dans une salle de classe. C'est bien dommage !  Très tôt, l'école nous apprend la frustration. Une fois cette étape passée, elle nous fait découvrir l'exaltation quand les mots glissent tout seuls sous le stylo ou bien qu'un eurêka nous vient à l'esprit - une idée nouvelle, un lien entre deux éléments que l'on vient de créer, une belle phrase lue dans un livre.  L'information scolaire , célèbre photographie de Do

Coupée du monde - Souvenirs

 Marcher dans les feuilles, les bousculer sans même les blesser avec cette question qui persiste, qui efface les milliers d'autres qui s'entrechoquent dans mon esprit : "Est-ce que les éclairages de Noël viennent d'être mis ? Ou ont-ils oublié de les enlever l'année dernière ?" Le temps passe si vite, surtout en cette année étrange où être dehors fut une véritable aubaine.  Encore le même lundi. Encore la même soirée. Le soleil se couche de plus en plus tôt emportant avec lui mes rêves jusqu'à demain matin où il mettra un peu plus de temps avant de découvrir les ombres de la nuit.  Parmi les feuilles jonchées sur le sol, je traîne des pieds. Envahie par une enfantine insouciance, j'allonge dans le temps et l'espace mon pas. Vers l'avant, je fais virevolter les feuilles. Quelques secondes de légèreté pendant lesquelles je rends les mortes un peu plus vivantes. Mon simple désir est d'éviter cette douleur, ce craquellement qui les rapprocherai

Changer le monde - Souvenirs

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Tandis que je culpabilise d'utiliser au quotidien les deux premiers GAFA et ma voiture pour me déplacer, certains fêtent dignement la réouverture des commerces pendant que d'autres continuent d'inutilement se noyer parmi les ventes flash d'Amazon. Tout le monde se prépare (en essayant de sourire malgré les fariboles qui s'enchaînent) à une énième fumisterie américaine. Non non pas le Black Friday mais Noël.  Tous masqués, à un mètre de distance les uns des autres, la fête est plus folle ! Vu que les remontées mécaniques sont fermées, cette année les sages qui restent à la maison seront plus nombreux. Dernière pause pour la planète. Bon, il va bien y avoir ces quelques privilégiés qui prendront l'avion pour aller se faire dorer la pilule sur les plages de l'hémisphère Sud.  Privilégiés, dites-vous ? Et si on inversait la tendance ?  Moi, je n'ai jamais pris l'avion. Et je ne le prendrai jamais. Voyager, d'accord. Proprement, c'est mieux. Et si

Le monde d'avant - Souvenirs

Est-ce l'arrivée soudaine de l'hiver ? Cette impression "qu'on n'a plus de saison" ? Cette privation de liberté qui demeure - même si on nous a rallongé la laisse ?  A quoi est due cette déprime collective ? Celle que l'on entrevoit en dessous du masque. Malgré cette magie de Noël qu'on nous rabâche chaque année, ces vitrines toutes plus décorées les unes que les autres, cette entêtante musique qui inonde les rues et cette injonction au bonheur - à la consommation surtout-, ce monde manque cruellement de joie. La vraie, celle qui fait jaillir avec la même force, inattendue et pure, le bouchon du champagne sur le lustre du salon.  Est-ce que ça a toujours été ainsi ? Ou bien est-ce moi qui brusquement décide d'enlever mes oeillères ? De regarder le monde en face, sans hypocrisie aucune ?  Heureusement que la circonférence du cercle s'est agrandie passant d'un à vingt kilomètres. Je peux ainsi retourner à l'essentiel. * * * Treize ans plu

Le muret - Souvenirs

 Ma foulée s'allonge tandis que j'amorce la descente. Emportée par les  Beach Boys  mais surtout guidée par ma déshydratation, mon coeur s'emballe. Il ne m'aura pas fallu longtemps avant de prendre à nouveau conscience des exigences estivales. Courir à dix heures en juillet, c'est déjà trop tard. Le soleil assaille notre peau, nos cheveux. Sa chaleur étouffe parfois nos espoirs.  La place du village est déserte. Même les bancs qui accueillaient ces vieillards un peu alcooliques sont vides. Peut-être que ces laissés pour compte, ceux dont on disait qu'ils n'avaient plus à rien à raconter sont allés vers leur ultime destination, la mort. Je n'en sais rien, ça fait tellement longtemps que je ne suis plus revenue en ces lieux. Peut-être que demain et après-demain, cette place hébergera pour quelques heures, les fidèles aux parties de pétanques. Parce qu'après tout, c'est enfin le week-end. Canicule ou non, ils seront là, jeunes et moins jeunes.  J

Souvenirs - prologue

 Un besoin vibrant me poussa à saisir mon stylo, à m'y agripper fermement tandis que les mots jaillissaient seuls, guidés par une impulsion qui me semblait être extérieure. * * * De tous ces cahiers, de toutes ces feuilles volantes enfermées dans des pochettes plastifiées, il m'arrive de libérer leurs mots dégageant une légère mélancolie due à une soudaine nostalgie. Dans les moments de doute, lors de ces manques d'impulsion à exister, à créer, peu importe la beauté de ma calligraphie passée, il me reste les traces de ces glissements intempestifs du stylo sur les feuilles blanches. Ces ressourçantes phrases relatant des journées oubliées leur donnant un brin d'authenticité et de singularité font revenir à moi ces instants précieux que naïvement, je considérai comme insignifiants.  Je n'écrivis qu'à des moments clés de mon existence, frappée par des émotions intenses allant de l'immense joie à la plus profonde des tristesses que je ne pouvais pas garder en mo