Changer le monde - Souvenirs

Tandis que je culpabilise d'utiliser au quotidien les deux premiers GAFA et ma voiture pour me déplacer, certains fêtent dignement la réouverture des commerces pendant que d'autres continuent d'inutilement se noyer parmi les ventes flash d'Amazon. Tout le monde se prépare (en essayant de sourire malgré les fariboles qui s'enchaînent) à une énième fumisterie américaine. Non non pas le Black Friday mais Noël. 

Tous masqués, à un mètre de distance les uns des autres, la fête est plus folle !

Vu que les remontées mécaniques sont fermées, cette année les sages qui restent à la maison seront plus nombreux. Dernière pause pour la planète. Bon, il va bien y avoir ces quelques privilégiés qui prendront l'avion pour aller se faire dorer la pilule sur les plages de l'hémisphère Sud. 

Privilégiés, dites-vous ? Et si on inversait la tendance ? 

Moi, je n'ai jamais pris l'avion. Et je ne le prendrai jamais. Voyager, d'accord. Proprement, c'est mieux. Et si on redonnait du sens à nos déplacements ? Et si rien n'était acquis ? 

Chercher les apprentissages, l'aventure, l'ouverture d'esprit et la remise en question, d'accord. Mais pas à coup de kérosène. Pensons aux autres. C'est quoi le monde que tu veux leur laisser derrière toi ? Quelles sont tes responsabilités dans tout ce désordre ? 

Les générations futures, celles qui n'auront rien choisi, vont arriver dans un monde bien pourri et n'auront pas d'autre choix que d'essayer de le changer. Ce sera une question de survie. D'ailleurs ça commence déjà à l'être pour ceux qu'on oublie sauf quand ils ont du pétrole bien-sûr, ceux qui crèvent la dalle et qui ont soif. 54°C pour le Koweït et le Pakistan. Mais on s'en fout, ils sont loin, ils sont pauvres. 

* * *

Je dois bien avouer qu'au début, je les ai écoutés. Eux, les médias, avec leurs raisonnements absurdes et réducteurs. Ils m'ont fait peur avec leur distinction des "classes". Initialement, j'ai cru que le combat était là, dans la tentative d'élévation sociale. Je me suis dit que je n'arriverai jamais à réussir. L'ascenseur est en panne, nous répète-t-on. Alors à quoi bon essayer ? 

La réussite, ils n'ont que ce mot à la bouche. Mais qu'est-ce que ça signifie ? Qui a dicté les règles du jeu ? Qui même a décidé que nous voulions tous participer ? Monter dans le manège, essayer en vain d'attraper le pompon que l'on donnera toujours au même. Se consoler en se disant que c'est le hasard, qu'on aura plus de chance la prochaine fois. Sécher ses larmes en se raccrochant à un futur meilleur tout en acceptant de ne pas être maître de sa destinée. Très peu pour moi... 

A coup de chiffres, de salaires et de promotions, on nous détourne de l'objectif principal, l'accumulation de richesses culturelles. Celles qui, à mes yeux, valent le coup. Qui nous transportent encore plus loin, qui nous invitent à réfléchir. Quand la prise de conscience appelle au risque, quand la peur primaire se transforme en force combattive, je ne porte qu'un seul drapeau, celui de mes idéaux. 

A coup de publicités mensongères, d'émissions idiotes, on manipule les foules pour créer du profit. 

Quand nous le peuple, nous ne voulons plus penser, nous nous enfermons dans un magasin, trop grand, trop chauffé. Remplir son caddie en espérant que ça passe, que tout aille mieux et cela garnisse au passage notre coeur. C'est si facile. Beaucoup plus facile que de regarder l'état du monde en face et la société yeux dans les yeux. Saturation. 

* * *

J'ai vu la guerre en Irak, l'ouragan Katrina et la crise économique. A la télévision. 

Je n'étais pas bien grande. Même si je comprenais tout, je demandais toujours à mes parents de zapper. Parfois c'était même ma mère qui appuyait sur le bouton rouge parce que "tu comprends les enfants sont trop jeunes". Du haut de ses trente années qui s'approchaient lentement mais surement des quarante, elle trouvait ça violent, difficile à supporter. 

A l'époque, je ne me sentais guère concernée. Tout cela était si loin de mes préoccupations. Midi les Zouzous c'était plus fun, moins triste, moins funeste. 

Ce dont je me souviens le plus, on ne nous en parlait pas vraiment à l'école... La médaille d'or de Manaudou, l'oscar de Marion Cotillard et l'élection de Barack Obama.

* ** 

Pour ne rien vous cacher, j'aimais bien quand mes seules préoccupations étaient de ranger ma chambre et de faire correctement mes devoirs. Maintenant j'ai l'impression que je dois changer le monde et c'est tout aussi terrifiant. C'est foutu d'avance m'a-t-on dit. Je suis bien tentée de le croire. Comment bousculer ces consciences envahies par la société de consommation de masse ? Comment faire tomber ces lourdes barrières de préjugés véhiculés par les uns, par les autres et surtout par moi-même ? 

Ne faut-il pas tout déconstruire ? Ou au contraire, dois-je demeurer passive ? Accepter de flotter dans l'incertitude plutôt que dans l'instant présent ? 

Alors c'est ça devenir adulte ? 

Pas si sûre parce que beaucoup choisissent la solution de facilité, par peur. Rester dans l'ignorance, est-ce le seul moyen de survivre émotionnellement ? 

Pour modèle, je choisis les enfants. Ceux qu'à tort, on qualifie de candides, d'ingénus parce qu'on a mal. Béante cicatrice, souffrance d'un passé innocemment heureux, rempli d'utopies qui nous ont quitté sans prévenir. N'ont-ils pas plutôt une capacité que nous avons perdue ? Ce lâcher-prise naturel, cette concentration sur l'essentiel ? Le vivant, le réel tout en laissant de côté le futile, le superficiel ? Changer son monde, et au passage celui des gens autour de nous, n'est-ce pas celui-ci le réel combat ? Une guerre douce, pacifique pleine d'énergie vitale, de joie et où les angoisses et les pleurs disparaissent encore plus vite qu'ils n'ont mis de temps à arriver ? 

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