Une petite pause
Depuis que les volets sont électriques, le rituel prend moins de temps le soir. Tout est fermé en quelques secondes. Le temps de faire le tour de la maison, le temps d'appuyer sur les boutons. La domotique. Combien de temps faudra-t-il à mon père pour s'y résigner ? pense-t-elle.
Combien de fois l'avait-elle vu fermer les volets ? Tous les jours pendant dix-huit ans. L'hiver, c'était de plus en plus tôt. L'été, il y avait ce goût d'éternel. Il faisait trop chaud, on laissait tout ouvert pour ne pas s'étouffer.
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Quelques années plus tard, ailleurs, on ferme toujours les volets. Pour quelques heures, on s'enferme dans un rassurant cocon. Il lui colle à la peau une impression agréable chargée de nostalgie - celle de retourner en enfance tout en étant pourtant bien loin du foyer familial. Les longs discours à table, l'odeur rassurante du rôti au four, les douces quenelles lyonnaises.
Loin de la Provence, c'est pourtant la même vie simple. Energisante car pleine d'authenticité. Qui aurait pu croire qu'elle apprécierait retrouver ces saveurs ? Des charmes qu'elle avait souvent fui, par peur de s'enfermer dans le quotidien, dans les habitudes.
Des routines - parfois non loin d'être des petites manies - qu'elle retrouve ailleurs et qui la font sourire. Le petit déjeuner ainsi que la cafetière sont prêts d'avance le soir.
"Au moins, on n'a plus qu'à appuyer sur le bouton le matin".
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Tandis qu'elle écrit, elle entend au loin le bruit de la vaisselle que l'on lave, l'écoulement de l'évier. Son gargouillement la propulse les dimanches matin, à l'époque où les sommets ne l'avaient pas encore appelée, sur la table de la cuisine où elle faisait ses devoirs.
Un cocon rassurant et des petites attentions qu'il fait bon de retrouver après des journées d'aventure, de longues heures où l'on court dans tous les sens à travers divers projets. Et si c'était ça les vraies vacances ? Deux ou trois jours où l'on retourne loin de chez soi, en enfance. Deux ou trois jours où l'on prend le temps de savourer ces petites choses oubliées, d'accomplir les petits détails que l'on remet sans cesse à demain.
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Avoir "Télé-Matin" en fond pendant le petit-déjeuner et s'y attarder de temps en temps, quand le silence survient sans prévenir.
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Avec le temps, elle prend davantage conscience de la préciosité de ces instants. Ceux partagés le soir sous le plafonnier, ceux échangés le midi alors que le soleil cogne sur la fenêtre de la cuisine. Heureuse nostalgie.
Malgré ce goût pour la douceur de l'instant, elle a bien compris qu'elle ne pourrait pas y rester trop longtemps. Parce que l'aventure l'appelle sans cesse, parce que les projets la réveillent, parce que la question "On fait quoi demain ?" revient très vite à son esprit.
Une petite pause dans une vie à mille kilomètres/heure.
Une petite pause pour savourer l'instant, les minuscules bonheurs du quotidien.
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Même si les goûts de l'enfance n'ont pas disparu, désormais, quand il fait nuit, elle aime laisser les volets ouverts et admirer la lune et les étoiles.
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