Le monde d'avant - Souvenirs
Est-ce l'arrivée soudaine de l'hiver ? Cette impression "qu'on n'a plus de saison" ? Cette privation de liberté qui demeure - même si on nous a rallongé la laisse ?
A quoi est due cette déprime collective ? Celle que l'on entrevoit en dessous du masque. Malgré cette magie de Noël qu'on nous rabâche chaque année, ces vitrines toutes plus décorées les unes que les autres, cette entêtante musique qui inonde les rues et cette injonction au bonheur - à la consommation surtout-, ce monde manque cruellement de joie. La vraie, celle qui fait jaillir avec la même force, inattendue et pure, le bouchon du champagne sur le lustre du salon.
Est-ce que ça a toujours été ainsi ? Ou bien est-ce moi qui brusquement décide d'enlever mes oeillères ? De regarder le monde en face, sans hypocrisie aucune ?
Heureusement que la circonférence du cercle s'est agrandie passant d'un à vingt kilomètres. Je peux ainsi retourner à l'essentiel.
* * *
Treize ans plus tard, les cactus sont toujours envahissants tandis que les lézards se faufilent.
La falaise des renaissances. Aussi nombreuses furent-elles.
Mille et une couleurs. La corde violette, le ciel bleu, et quand on tourne le dos au rocher, la rivière aux reflets enivrants.
Depuis l'instant où, à tout juste dix ans, je répondais à mon père que "je n'arrêterais jamais l'escalade", il y a eu cette nature qui m'a poussée à fuir un instant le rocher. Ces orages qui nous ont fait descendre en rappel un peu plus vite, plier les cordes à toute vitesse et la nuit qui nous a poussés - lampes frontales allumées - vers le camping.
Mais surtout, il y a eu ces centaines de rencontres. Certaines plus nourrissantes que d'autres. Celles dont j'ai oublié le visage et les mots. Celles qui font un peu mal maintenant quand on y repense, qu'on aimerait bien oublier. L'absence, les mensonges et les mots.
La vie, plus intensément, au fil des voies.
* * *
Treize ans plus tard, plus personne ne vient me tendre la ventoline après la marche d'approche. Comme par magie, depuis mes premiers pas sur le rocher, je n'en ai plus eu besoin.
Comment leur expliquer le caractère essentiel de ce qu'ils considèrent comme négligeable ?
* * *
Quand les choses sont un peu plus difficiles, ce sont ces instants passés sur le rocher qui me font tenir le coup. Non, je n'ai rien oublié et encore moins le plus important, la meilleure leçon que j'ai pu apprendre de ces années d'insouciance... L'important de rêver, d'y croire.
Alors qu'autour de moi, tous idéalisent le monde d'après, c'est vers celui d'avant que je me retourne afin d'y trouver un brin d'inspiration et d'énergie vitale.
Je vous arrête, vous les ennemis de la nostalgie et du passé. Je suis d'accord pour créer, pour avancer. Mais si pour une fois on faisait les choses en pleine conscience ? En distinguant des désirs que l'on nous crée de nos besoins réels ? Je ne veux pas plonger avec précipitation dans l'avenir. L'histoire humaine a montré que ça n'était pas la meilleure des options.
* * *
Décroître pour mieux grandir,
Déconnecter pour être enfin connecté,
Minimiser pour mieux apprécier, l'essentiel, le nôtre, pas celui qu'ils choisissent pour nous,
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