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Affichage des articles associés au libellé école

Vagabonder

Alors que Quentin s’endort sur sa copie, madame Morille, bien plus compatissante qu’agacée, vient vers lui en essayant tant bien que mal de le motiver.   « Quand il a un coup de mou, faut s’obstiner, même sans raison. C’est comme ça », lui dit-elle. Cinq ans après, ce souvenir me poursuit encore. Face au commentaire de texte, j’avais plutôt choisi de plancher sur une question qui me tenait à cœur : « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? ».   Trois grandes parties. Trois sous-parties.   Quatre heures.   Gloups.   Pendant quelques secondes, j’ai délaissé ma copie de philosophie afin de rapidement griffonner sur mon brouillon cette phrase qui pour ma part, résonnait bien plus que toutes celles que notre professeure avait pu prononcer au cours du trimestre.   Quand il y a un coup de mou, faut s’obstiner, même sans raison. C’est comme ça.   Rétrospectivement, cette phrase me fut bien plus utile à flanc de montagne tandis que vissée sur une chaise, stylo à la main, mon esprit vagabonda

Antidote.

Cela fait quelques jours que j'ai retrouvé les fleurs. Celle des cerisiers ont laissé place à de délicieux fruits rouges dont je me délecte avidement. Maman me dit de faire attention quand je grimpe sur les branches. Elles sont fragiles, il ne faut pas les casser sinon l'arbre il crie en silence, il pleure pendant des jours sans qu'on devine sa souffrance.  Cela fait quelques temps déjà que l'école est fermée. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Mais bon ce n'est pas si mal. Je n'aimais pas jouer avec les copains. Ils n'étaient pas méchants mais juste quand ils se mettaient tous à parler en même temps, j'avais une impression bizarre - la même qui fait trembler mon corps quand la craie crise sur le tableau vert foncé avant de casser.  Disons simplement que je n'ai jamais vraiment réussi à être comme les copains, à les comprendre. Maman trouve ça chouette, il dit que je ne rentre pas dans le moule, que je suis pleinement moi-même. Mais moi, ça me rend so

We can do it - Rosie the Riveter (Norman Rockwell)

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 Au lieu d'aller faire la guerre, floués par un nationalisme croissant, par une peur grandissante - celle de perdre nos petits privilèges et au passage notre liberté gagnée par le dur labeur consistant à être nés dans un pays parmi les moins horribles - on pourrait refermer le cercle, non ?  Au lieu d'aller combattre un ennemi invisible - une idéologie, un virus - on pourrait être un peu plus égoïste. Sans forcément suivre la masse - cette fameuse doxa dont parlait ma professeure de philosophie avec passion sans pourtant en dissimuler son dégoût - tracer son propre chemin. Celui qui nous attire, celui qui nous effraie parce qu'il ne correspond à aucun préjugé mais aussi parce qu'il n'est approuvé que par quelques marginaux. Bien souvent, nous sommes freinés par les autres. Ce n'est pas de leur faute, c'est nous qui déraillons, qui choisissons la facilité de la boîte à excuses qu'ils nous ouvrent en grand...  * * * "Tu es vraiment sûre ? N'est-ce

Identité remarquable - Souvenir

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 Les identités remarquables, les métaphores, les poésies à apprendre par coeur, le calcul mental sur l'ardoise, les fiches de lecture, les exposés... Même si ce merveilleux panachage a semblé parfois être un calvaire, on garde tous un souvenir heureux de cette période.  L'enfance. On en retient avant tout sa légèreté, son insouciance et ses heures passées à jouer dehors à la récréation ou en pleine nature. Au moment de notre vie où tout ce que l'on souhaite c'est d'être au contact de la nature, on nous enferme six heures par jour dans une salle de classe. C'est bien dommage !  Très tôt, l'école nous apprend la frustration. Une fois cette étape passée, elle nous fait découvrir l'exaltation quand les mots glissent tout seuls sous le stylo ou bien qu'un eurêka nous vient à l'esprit - une idée nouvelle, un lien entre deux éléments que l'on vient de créer, une belle phrase lue dans un livre.  L'information scolaire , célèbre photographie de Do

Coupée du monde - Souvenirs

 Marcher dans les feuilles, les bousculer sans même les blesser avec cette question qui persiste, qui efface les milliers d'autres qui s'entrechoquent dans mon esprit : "Est-ce que les éclairages de Noël viennent d'être mis ? Ou ont-ils oublié de les enlever l'année dernière ?" Le temps passe si vite, surtout en cette année étrange où être dehors fut une véritable aubaine.  Encore le même lundi. Encore la même soirée. Le soleil se couche de plus en plus tôt emportant avec lui mes rêves jusqu'à demain matin où il mettra un peu plus de temps avant de découvrir les ombres de la nuit.  Parmi les feuilles jonchées sur le sol, je traîne des pieds. Envahie par une enfantine insouciance, j'allonge dans le temps et l'espace mon pas. Vers l'avant, je fais virevolter les feuilles. Quelques secondes de légèreté pendant lesquelles je rends les mortes un peu plus vivantes. Mon simple désir est d'éviter cette douleur, ce craquellement qui les rapprocherai

Changer le monde - Souvenirs

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Tandis que je culpabilise d'utiliser au quotidien les deux premiers GAFA et ma voiture pour me déplacer, certains fêtent dignement la réouverture des commerces pendant que d'autres continuent d'inutilement se noyer parmi les ventes flash d'Amazon. Tout le monde se prépare (en essayant de sourire malgré les fariboles qui s'enchaînent) à une énième fumisterie américaine. Non non pas le Black Friday mais Noël.  Tous masqués, à un mètre de distance les uns des autres, la fête est plus folle ! Vu que les remontées mécaniques sont fermées, cette année les sages qui restent à la maison seront plus nombreux. Dernière pause pour la planète. Bon, il va bien y avoir ces quelques privilégiés qui prendront l'avion pour aller se faire dorer la pilule sur les plages de l'hémisphère Sud.  Privilégiés, dites-vous ? Et si on inversait la tendance ?  Moi, je n'ai jamais pris l'avion. Et je ne le prendrai jamais. Voyager, d'accord. Proprement, c'est mieux. Et si

Le monde d'avant - Souvenirs

Est-ce l'arrivée soudaine de l'hiver ? Cette impression "qu'on n'a plus de saison" ? Cette privation de liberté qui demeure - même si on nous a rallongé la laisse ?  A quoi est due cette déprime collective ? Celle que l'on entrevoit en dessous du masque. Malgré cette magie de Noël qu'on nous rabâche chaque année, ces vitrines toutes plus décorées les unes que les autres, cette entêtante musique qui inonde les rues et cette injonction au bonheur - à la consommation surtout-, ce monde manque cruellement de joie. La vraie, celle qui fait jaillir avec la même force, inattendue et pure, le bouchon du champagne sur le lustre du salon.  Est-ce que ça a toujours été ainsi ? Ou bien est-ce moi qui brusquement décide d'enlever mes oeillères ? De regarder le monde en face, sans hypocrisie aucune ?  Heureusement que la circonférence du cercle s'est agrandie passant d'un à vingt kilomètres. Je peux ainsi retourner à l'essentiel. * * * Treize ans plu

Le muret - Souvenirs

 Ma foulée s'allonge tandis que j'amorce la descente. Emportée par les  Beach Boys  mais surtout guidée par ma déshydratation, mon coeur s'emballe. Il ne m'aura pas fallu longtemps avant de prendre à nouveau conscience des exigences estivales. Courir à dix heures en juillet, c'est déjà trop tard. Le soleil assaille notre peau, nos cheveux. Sa chaleur étouffe parfois nos espoirs.  La place du village est déserte. Même les bancs qui accueillaient ces vieillards un peu alcooliques sont vides. Peut-être que ces laissés pour compte, ceux dont on disait qu'ils n'avaient plus à rien à raconter sont allés vers leur ultime destination, la mort. Je n'en sais rien, ça fait tellement longtemps que je ne suis plus revenue en ces lieux. Peut-être que demain et après-demain, cette place hébergera pour quelques heures, les fidèles aux parties de pétanques. Parce qu'après tout, c'est enfin le week-end. Canicule ou non, ils seront là, jeunes et moins jeunes.  J