Vagabonder
Alors que Quentin s’endort sur sa copie, madame Morille, bien plus compatissante qu’agacée, vient vers lui en essayant tant bien que mal de le motiver.
« Quand il a un coup de mou, faut s’obstiner, même sans raison. C’est comme ça », lui dit-elle.
Cinq ans après, ce souvenir me poursuit encore. Face au commentaire de texte, j’avais plutôt choisi de plancher sur une question qui me tenait à cœur : « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? ».
Trois grandes parties. Trois sous-parties.
Quatre heures.
Gloups.
Pendant quelques secondes, j’ai délaissé ma copie de philosophie afin de rapidement griffonner sur mon brouillon cette phrase qui pour ma part, résonnait bien plus que toutes celles que notre professeure avait pu prononcer au cours du trimestre.
Quand il y a un coup de mou, faut s’obstiner, même sans raison. C’est comme ça.
Rétrospectivement, cette phrase me fut bien plus utile à flanc de montagne tandis que vissée sur une chaise, stylo à la main, mon esprit vagabondait désespérément à la recherche d’un peu de mouvement et de liberté. À vrai dire, à cette époque je n’attendais qu’une chose : que la sonnerie retentisse, que les fauves soient libérés, que la foule s’engouffre dans les couloirs, vers la sortie et que je suis puisse enfin aller me défouler sur le pan d’escalade.
« Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? »
Et si pour une fois, on arrêtait d’y réfléchir, qu’on lâchait le stylo et que l’on passait à l’action ?
Et si pour une fois, on laissait la raison de côté, les doutes et les peurs sur le bord de la route et que l’on s’enfonçait au cœur des sentiers de l’expérience ?
Tant pis s’il y a des ronces, tant pis s’il y a de l’orage, tant pis si l’on glisse, si l’on tombe. Le soleil revient toujours. Sur les sentiers, il est encore plus vivifiant, plus enivrant. Et si l’on essayait ? Qui sait, peut-être que nous arriverions à rire sous la pluie ?
Mis à part remplir repérer à la vitesse de l’éclair des propositions subordonnées, des fonctions du second degré ou même écrire des dissertations sous le soleil brûlant de juin, j’aurais aimé que l’école m’apprenne à explorer et savourer les merveilles du monde.
Certes, elle m’a donnée un peu d’érudition et un goût prononcé à la culture. Mais pourquoi ne m’a-t-elle pas appris à apprécier davantage les victoires ? Et à prendre avec plus légèreté mes défaites ? Pourquoi ne m’a-t-elle pas donné goût à l’émerveillement ?
Même si mes cahiers d’entraînement commencent à prendre peu à peu la poussière, en les lisant, quelques mots reviennent. Ces mots, ils m’ont aidé à traverser les tempêtes de doute, les phases de démotivation et font désormais fait partie de cette force qui pierre après pierre s’est construite – quand il y a un coup de mou, faut s’obstiner, même sans raison. C’est comme ça.
Commentaires
Enregistrer un commentaire