Energie vagabonde
"La mélancolie, c'est le bonheur d'être triste" - Victor Hugo
Lundi 30 août, 4h30
J'abdique après deux heures à batailler, à écouter les gourous du développement personnel, à essayer de comprendre "Pourquoi". Je n'arriverai pas à dormir. Méditation, musique, lecture, mise au plat de ces pensées qui tournent en boucle, liste d'objectifs, étirements... Rien n'y fait. Peut-être aurais-je dû essayer de compter les moutons ?
Il y a dix minutes, lors d'une énième visite rendue aux toilettes, j'ai dansé sur "Could you be loved", comme s'il était dix heures du mat'. Là, j'ai compris un truc qui m'avait jusqu'alors échappé : on a le droit d'être heureux pendant une insomnie. Alors je prends la plume, la frontale et laisse les mots m'envahir. N'est-ce pas ce dont j'ai le plus envie ? Autant profiter de ces instants précieux où le monde est encore endormi.
Mon unique objectif ? Le lever du soleil, symbole de la délivrance après une nuit d'errance mentale. Stress ? Ré-adaptation après deux mois de vagabondages ? Difficile de trancher. Et si mon désir de vie était trop brûlant ? Et si l'absence des éléments naturels était la cause de mes maux ? Et s'il n'y avait plus rien pour me connecter à ce mouvement cyclique de l'environnement ? Et... merde !
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Au fil des ans, c'est pourtant la même chose sauf que cette fois-ci c'est plus intense. Les expériences se multiplient, se diversifient. Conséquence : l'effervescence grandit rendant le retour à la sédentarité difficile. Mis à part prendre une vraie douche tous les soirs et pouvoir m'entraîner sur la poutre, guère d'avantages à stagner dans un même lieu.
En moi, une foule de questions se bousculent avec pour fil directeur l'interrogation favorite des gourous du développement personnel : "Pourquoi ?"
Pourquoi le soleil propre aux hautes altitudes ne noircit-il plus ma peau ?
Pourquoi mes cheveux ne sentent-ils plus le sel ? Pourquoi est-ce que je ne marche plus pieds-nus dans le sable ?
Pourquoi, comme les vieux, je me mets à trouver que l'eau n'a plus le même goût ? De l'eau de Javel, m'a longtemps répété ma grand-mère à propos de cette eau calcaire du Sud de la France. Pourquoi aujourd'hui seulement, je comprends ce qu'elle veut dire par là ? Non l'eau, ce n'est pas que H2O, c'est une histoire, une origine et des chemins.
Pourquoi les étoiles brillent-elles avec moins d'intensité ? Pourquoi sont-elles moins nombreuses ?
Pourquoi ne suis-je plus bercée par les vagues, aspirée dans leur mouvement répétitif ?
Pourquoi je n'arrive pas à plonger dans un profond sommeil ? Que quelqu'un vienne me frapper violemment, qu'on me drogue... Trouvons une solution !
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Eh ho, le silence, où es-tu ? Pourquoi as-tu emporté avec toi les sifflements des marmottes qui résonnent entre les sommets et le clapotis des vagues de la marée montante ?
Au mouvement cyclique de la nature, matérialisé par la valse rassurante des marées et le déclin réconfortant du soleil, je subis une intégration forcée dans une progression linéaire du temps. Comment faire pour s'y adapter sans sombrer ? Comment accueillir dignement les étoiles, le lever du soleil et la pluie en savourant chaque seconde ? Ralentir, se mettre sur pause... Comment fait-on cela dans une course à la productivité ?
Où sont les marmottes, les myosotis, les chamois ? Pourquoi lorsque je mange, je ne vois plus les grimpeurs en grande-voie ? Où sont les sommets ? Les coquillages ? Les plages de sable fin ?
Où sont les ruisseaux, les torrents nourrissant les montagnes, les mers et l'océan inondant mon âme ? Pourquoi ne bercent-ils plus mes nuits ? Pourquoi ne sont-ils plus là pour revigorer mes sens après une longue journée ?
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Passé ce sentiment d'inconfort et de mal-être, j'aurais tendance à me rassurer, avec cette phrase d'adulte un peu toute faite : "Revenir pour mieux repartir". C'est vrai non ? N'est-ce qu'une fois revenu que l'on prend conscience du sens de notre départ, regrettant parfois de ne pas avoir suffisamment profité de ces détails de vie qui aujourd'hui nous serrent le coeur ? Pourquoi ne pas être allée une dernière fois jeter un coup d'oeil à l'océan avant de prendre la route ? Pourquoi ne pas avoir acheté un deuxième kouign-amann à la boulangerie ? Pourquoi ne pas être sortie prendre de plein fouet ce feu d'artifice qui clôturait les vacances ?
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Pourquoi tout a le goût de Javel ?
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