Parenthèses

J'ai arrêté d'alimenter ce blog il y a plusieurs semaines déjà. 

J’en avais perdu l’envie, je crois. La publication hebdomadaire était devenue asservissante. Écrire avec une deadline, ça fout la pression. Je préfère m’emparer du stylo – ou de l’ordinateur, peu importe si le folklore en prend un coup – avec frénésie. Sentir que les mots m’échappent. Qu’ils me transportent aussi.  

Je veux écrire avec mes tripes. 
Écouter ces émotions qui me poussent à l’insomnie. 
Prendre le temps de les coucher sur du papier. 
Pour mieux les comprendre, peut-être. 
Mais surtout pour les partager. 
 
J’écoute en boucle « Chase » de Giorgio Moroder. Sans trop savoir pourquoi. C’est un titre des années 70. J’aime bien les musiques de cette époque. J’ai l’impression qu’elles dégagent quelque chose. Une forme de mélancolie heureuse. Comme si l’on s’était réconciliés avec un passé un peu sombre, que l’on avait accepté ses imperfections. Et surtout compris qu’elles faisaient notre force. S’en dégage une saine impulsion de vie. Une invitation à aller vers l’ailleurs. 
 
Je devrais dormir. Demain, la vie normale reprend. Sauf que j’ai du mal à descendre de mon nuage. À atterrir dans le quotidien, à reprendre le droit chemin en somme. 
 
Une journée sur le vélo et ça y est, la vie est bouleversée. Je ne suis pas trop sûre que raconter les détails de ce périple ait grand intérêt. Ni même que je désire le faire. Mais j’ai beaucoup appris. Et c’est ce que je souhaite partager ce soir. Cette nuit. 
 
Du Gard à Valence, par les Monts d’Ardèche. Quelques heures sur les routes du Sud de la France. Sur le papier, ce n’est pas grand-chose. Le mot à la mode, c’est « micro-aventure ». Je comprends l’idée. Sauf que j’enlèverai le « micro » et écrirai AVENTURE en lettres majuscules. Parce que c’est un mot que je n’ai pas envie d’oublier. Et encore moins les souvenirs qui y sont associés. 
 
Pourquoi partir à vélo ? Parce que c’est le meilleur moyen de bouffer des kilomètres. Et bon sang, qu’est-ce que j’aime ça ! On sent les jambes chauffer, le cœur s’accélérer et la tête se calmer. Enfin. Car sur les routes, tout se structure. On oublie les tracas du quotidien. On relativise. Pédaler, boire, manger. 
 
Pédaler, boire, manger. Qu’y a-t-il de plus important finalement ?  
 
On s’enivre dans les longues descentes. C’est beau la vie, quand tout s’accélère. On remet tout en question dans les montées exigeantes. Qu’est-ce que je fais là au juste ? Vais-je y arriver ? 
 
Seule sur les routes, il n’y a personne pour nous encourager. Il faut apprendre à le faire soi-même. À crier un bon coup, à pleurer si c’est nécessaire. C’est bien souvent libérateur. Parfois on se dit qu’à deux, ce serait mieux. 
 
Viennent alors ces instants magiques où notre vie s’entremêle, pendant de précieuses secondes, avec celles d’humains aléatoirement croisés. Le berger et ses enfants. Le pizzaiolo. La réceptionniste de l’hôtel. Alors on remet le concept de duo à demain. Peut-être parce que ça fait encore un peu trop mal pour y penser trop longtemps. 
 
Parce que ce n’est pas encore le moment. Cela ne sera peut-être jamais. Et c’est ok. 
 
Ce week-end, j’ai enfin compris ce que je cherchais : des parenthèses. Ça encadre quelque chose d’essentiel, d’éphémère aussi. Et une fois achevées, on en revient à des banalités. 
 
Les banalités, j’ai du mal à les sublimer. Parfois, je me dis que si l’on m’apprenait à le faire, ma vie serait plus facile. Que je ne serai pas plus dans cette permanente recherche de l’exceptionnel. Du nouveau. De l’émerveillement. Et puis, je me ravise, me disant que la vie manquerait surement de piment. 

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