Myosotis
Vendredi 22 août 2014... 23h.
Ce soir, je puise mes dernières sources d'énergie afin d'écrire. J'espère que mes yeux resteront ouverts jusqu'à la fin de mon récit.
Ecrire pour expulser les émotions qui me traversent,
Ecrire pour partager, écrire pour ne pas sombrer.
Ecrire, surtout, par peur de l'oubli.
* * *
Vais-je réussir à retranscrire les événements ? Vais-je être capable de faire ressentir ce que j'ai éprouvé pendant les heures précédentes qui s'enfuient déjà à toute vitesse vers le passé ?
Ca y est, je suis dans le torrent de l'écriture, les mots s'enchaînent, s'écoulent de mon crayon tandis que les musiques défilent dans mon iPod. Mais bon, je ne les entends plus vraiment... Envoûtée par la vie, emportée par des horizons inconnus, effrayants et désirables qui s'offrent à moi.
Au cours de cette fabuleuse journée, j'ai l'impression d'avoir changé. Certains auraient pu dire d'avoir grandi mais je laisse ces mots d'adultes aux grandes personnes.
Aujourd'hui, j'ai gravi les sommets. Ceux de mes aspirations, ceux de l'euphorie, ceux de mes rêves.
* * *
Lorsque Mathieu m'a laissée passer en tête pour les cinq longueurs de la grande voie, j'ai éprouvé un immense plaisir. En fait, c'était même plus fort que cela. Je me suis sentie libre.
Libre de mes propres mouvements, paradoxalement au milieu de tout et de rien, j'étais liée à deux humains que je n'apercevais quasiment jamais. Lorsque je leur criais "Je suis vachée au relai", mon écho résonnait dans cette vaste vallée magnifiant cette rassurante insécurité.
J'étais seule. Seule face aux points qui s'éloignent, je faisais confiance à mon intuition pour guider mes pas sur le rocher.
La vie est une aventure magnifique. Sa préciosité souligne sa fragilité, l'éphémère qui la caractérise. C'est peut-être cela que j'avais besoin de retrouver, ce regard d'enfant sur les choses.
Ainsi, j'ai réalisé les mouvements avec douceur, délicatesse et souplesse. Après les quelques tremblements de peur d'abord incontrôlables, j'ai trouvé l'harmonie. Avec le rocher. Avec le monde.
En observant l'avancée du soleil dans le ciel, nous remarquions avec stupéfaction à quel point le temps passait vite. À son zénith, c'est Quentin qui s'est dressé sur le sommet. Quelques minutes après, nous étions à ses côtés.
Plus je me rapprochais du sol, plus la tristesse m'enhavissait. Vais-je vivre cela à nouveau ?
Cependant, je ne désirais pas être bercée par des émotions négatives. Alors, j'ai profité de ce goût nouveau de liberté pour emmener Quentin aux blocs. À peine avions-nous posé nos baudriers dans nos tentes que c'était parti !
Une heure où nous grimpons, mangeons quelques chips. Une heure où je me suis concentrée sur le plaisir d'accomplir quelques détails que je fais d'habitude mécaniquement - depuis des années d'ailleurs -.
Ouvrir le crash-pad, serrer mes chaussons, mettre de la magnésie, toucher le rocher.
* * *
- Wow mais tu vas réussir là, aller, aller.
Cela fait deux semaines que je travaillais ce bloc. Et aujourd'hui, sous les yeux ébahis de Quentin, j'ai changé de méthode.
Quelques secondes plus tard, j'avais le bac final en main: "Oh my god" a-t-il lancé.
* * *
Est-ce que tout cela n'est qu'un rêve ? Vais-je me réveiller d'une seconde à l'autre ?
Je me pince et je réalise que je suis bel et bien éveillée. Vivante. Heureuse.
Nourrie par ces instants nouveaux en montagne.
* * *
Aujourd'hui, j'ai l'impression d'être sur la bonne voie. Après des mois passés à errer dans les couloirs du lycée à la recherche d'un peu de sens dans tout ce bazar, je crois bien que je tiens quelque chose. Un espoir qui va au-delà des livres, au-delà des rêves utopistes d'enfants.
En fait, j'en suis sûre : j'ai quelque chose à quoi m'accrocher, mon étoile du Nord à moi.
Bien-sûr qu'il reste encore des objectifs à atteindre, des étoiles à décrocher. À 16 ans, heureusement que j'ai encore faim de vie ! Certains rêves sont flous tandis que d'autres se dessinent davantage. Ils semblent inatteignables mais je crois bien qu'il faut faire confiance au temps.
* * *
"Je cherchais peut-être à me dédommager de ce que la vie ne m'accordait pas par ailleurs ? En tout cas, il était de plus en plus clair que là-haut, au contact d'une nature qui ne trichait pas, dans un climat de franchise, je me sentais vivant, libre, vrai : chaque jour davantage. J'étais donc en train de découvrir l'aventure, riche de ces éléments qui exaltant et améliorent l'homme. J'étais en train de découvrir, surtout, ma façon d'être". Walter Bonatti
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