Le Duché d'Uzès
Une nouvelle fois, je n'ai pas respecté le couvre-feu. Piégée dans ma Clio rouge, je comprends bien qu'il est inutile d'appuyer sur le champignon. Je baisse quand-même la radio, état d'urgence oblige.
En arrivant à Uzès, je panique. Vais-je être punie et une amende ? La première de mon existence - euh non la seconde mais ça c'est une autre aventure, une histoire de tram, d'absence de ticket, de contrôleur. En suivant un autre automobiliste, je me rassure. Je ne suis pas la seule à ne pas respecter les mesures gouvernementales établies pour notre soi-disant sécurité qui en réalité, nous enlèvent le semblant de liberté qui nous était accordé jusque-là.
Instinctivement, je tourne à gauche. J'ai beau habiter dans cette ville depuis plus d'un an, je ne sais pas où mène cette rue. Mais à cet instant, je n'ai qu'une seule chose à l'esprit : éviter l'Esplanade. Repère favori des gendarmes en quête d'un peu d'argent à se mettre sous la dent.
Mission réussie. Je me retrouve au pied du Duché d'Uzès. Rapidement, je garde ma voiture. Je ne suis plus qu'à quelques rues de l'appartement.
Soudain, je me rends compte que je suis sur un parking payant ! Sacrebleu, je n'ai aucune pièce sur moi ! Tant pis, je prends le risque. Mieux vaut avoir 15€ d'amende plutôt que 135.
Timidement et avec un stress grandissant, je m'éloigne de la Clio que j'abandonne à son propre sort. En effet, un compost non-vidé se trouve à l'intérieur parfumant ainsi l'habitacle d'une douce et harmonieuse odeur de vomi.
* * *
La soirée se passe paisiblement. Je suis passée inaperçue, hors de la vue des gendarmes hagards. La Lune ne trône pas encore dans le ciel. Et oui, désormais, à 18h, il fait encore jour ! C'est une sacrée incitation à la fraude, n'est-ce pas ?
En tout cas, c'est l'excuse que je me suis donnée. "Je n'ai pas vu le temps passer monsieur l'agent". Ma phrase était toute prête.
* * *
Lorsque la lumière inonde ma chambre, happée par l'avenir d'une nouvelle journée enrichissante, je me réveille. Pleine d'énergie, encline à expérimenter autre chose que le cloître de ma vie de nonne face à mon clavier d'ordinateur, j'enfourche mon skateboard et vais récupérer ma voiture.
Aujourd'hui, je vais faire de la peinture. Dit comme ça, ça claque ! Mais ne vous méprenez pas, aucune âme d'artiste résonne en moi. Je n'ai rien à exprimer. Je ne suis pas en colère comme la société, contre les autres et encore moins contre moi-même. Disons que face à l'état du monde, j'ai abdiqué alors au lieu de chercher des subventions pour survivre, au lieu de clamer contre Macron que je fais partie "des essentiels", je vais passer de l'antirouille...
Aujourd'hui, je vais "peindre" dans un monde où l'odeur de ferraille règne, une petite hétérotopie dirait Foucault. En y regardant rapidement, les gens qui l'habitent pourraient paraître fous. C'est vrai qu'ils crient dans tous les sens sans vraiment de raison apparente, qu'ils tapent fort sur des gros morceaux de fer. Mais quand vient l'heure du café, tout s'apaise... Ou presque !
* * *
Arrivée sur la place du Duché, je prie intérieurement pour ne pas avoir un petit papier blanc sur mon parebrise. Je fais le tour de mon véhicule et j'aperçois un gentil message des gendarmes. Fuck.
Mais je garde espoir et espère qu'il s'agisse de l'un de mes admirateurs secrets. Mais bon, je me souviens que je n'en ai pas. Que je suis moche et surtout que ma voiture dégage une salle odeur de compost. Que je n'ai pas envie de rentrer à l'intérieur mais que je n'en ai pas le choix.
Quel est le pire ? Avoir 15€ d'amende ou se boucher le nez pour rentrer dans sa Clio ?
À choisir, je préfère l'odeur. Pourquoi me diriez-vous ?
Parce que ce n'est pas dans ma boîte aux lettres que l'amende va attérir. Mais dans celle de mes parents. Ca, c'est moins drôle. Alors voilà, mam's et pap's, vous qui lisez ce texte, j'ai pris une amende. Mais celle de 15€, pas celle de 135€. Ce n'est pas si pire, n'est-ce pas ?
J'ai juste paniqué. Et avant tout, j'ai simplement repris un droit qui nous depuis quelques mois enlevé - ma liberté. Je suis arrivée en retard pour le couvre-feu parce que j'ai fait une longue "attaque de chatouilles" pendant trente minutes avec Arthur. Et ça, ça vaut peut-être plus que 135€.
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