50 pompes et une douche froide
L’histoire est belle. Elle marque presque le début de l’aventure. Me permet de ne jamais oublier d’où je viens.
Septembre 2014. Salle des fêtes de Collias.
Je ne me souviens plus ce que l’on fait ici, c’est la première fois. Un truc d’adultes surement. Aux petits fours et grands discours, nous préférons, avec les copains de l’escalade, le jardin. C’est l’été indien, du moins c’est que mon cerveau a décidé de garder en mémoire. On est encore en tee-shirt, il y a peut-être une slackline entre deux arbres. Ou pas.
Ce dont je suis certaine, c’est que nous avons encore avec nous cette énergie de l’été. « Grimper », voilà le seul mot que l’on a sur les lèvres. Au bout de la langue, j’ai « écrire », mais c’est encore un peu timide.
Je viens de grandir. Bien que je ne le sache pas encore. Grâce aux montagnes, à cet écrin de liberté.
Au milieu de ce jardin municipal trône un arbre, qui semble plus solide que les autres. Pierre est déjà pendu à l’une de ses branches. Il enchaîne les tractions. Entre ses séries, je fais quelques suspensions. Le moyen de m’entraîner un peu, rien de bien sérieux.
Soudain, l’un des trois garçons, je ne sais pas plus lequel, me dit : « Coralie, fais une traction ! ». Mouvement qui me semble inaccessible.
J’essaie tout de même. Et ça passe.
Je recommence, pour vérifier que ce n’était pas un coup de bol. Ça passe encore.
Presque 10 ans plus tard, putain qu’est-ce que le temps passe vite, je me souviens avec émotions de ces instants. C’est chiant la nostalgie, mais ça fait écrire des trucs jolis.
Je demandais récemment à une skieuse de l’équipe de France : « Est-ce que la petite fille que tu étais serait fière ? ». Oui, bien-sûr, m’avait-elle répondu en souriant.
Je suis montée sur des podiums, pas ceux qui me faisaient rêver. Mais la gamine que j’étais serait fière, j’en suis certaine. Parce qu’elle n’a jamais abandonné sa quête. Aussi abstrait que complexe, j’ai choisi pour objectif « le bonheur ». C’est un combat permanent.
Histoire d’enlever ce vocabulaire guerrier de mes écrits, je dirais plutôt : « C’est un engagement permanent ». La vie, je veux la vivre avec panache. Ni plus ni moins.
Et pour cela, il faut « faire l’effort ». De manière moins convenue, « se sortir les doigts du cul ». Aller vers des choses que l’on n’a pas envie de faire. Parce que l’on sait que ça va être désagréable, que ça va faire mal. Se forcer pour grandir. Peu importe le domaine. Qu’il s’agisse de faire sa première traction, sa première demi-heure en course à pied, son premier marathon dans les montagnes, jouer son premier morceau au ukulélé, écrire son premier article… Le processus est le même. Du travail. De la passion. Beaucoup de passion, c’est important la passion.
La passion, c’est l’étoile du Nord pendant les tempêtes.
Cet éclat, je l’ai retrouvé chez un jeune alpiniste, adepte des sommets de 8000 mètres. « Avoir des objectifs, ça motive pour l’entraînement, pour tous les jours, c’est assez incroyable. Je n’aurais jamais pensé pouvoir m’entraîner comme je le fais. D’avoir la motivation pour ça » m’avait-il dit en juin dernier. « J’y vais sous la pluie, sous la neige, par tous temps, le lendemain d’une séance avec du gros dénivelé, etc. Ça me rend fort, mentalement, physiquement ».
« Par exemple, pour m’habituer à mes expés, même après une journée à tailler des pierres, ce qui est déjà bien dur, je fais quotidiennement 100 pompes suivies d’une douche à l’eau froide après » avait-il poursuivi. « Tous les jours, même l’hiver. Ce n’est pas évident mais ce sont des objectifs que je me donne. Des règles de vie. Et ça me forge, ça m’aide. Ainsi, quand j’arrive sur un 8000 ou sur les compétitions de ski alpinisme, je suis prêt. Je doute beaucoup moins, je suis moins stressé. Pour tout, même dans mon boulot ».
Inspirant non ? Des règles de vie, j’en ai déjà. J’ai, à la suite de cet entretien, décidé d’en ajouter une autre. Et pas des moindres : « 50 pompes et une douche froide ».
Je m’y tiens depuis le mois de juin. Parfois, pas tous les jours heureusement, je m’y astreins.
La douche froide, c’était bien plus facile dans les ruisseaux de montagne en plein été, je dois bien l’admettre. L’hiver, encore qu’il fait encore nuit à sept heures, c’est une autre histoire. Mais la fierté n’en est que plus grande.
Il m’arrive de me demander : « Pourquoi ? ». Ce n’est pas un peu con de cette histoire de « 50 pompes et une douche froide » ? Généralement à jeun, souvent quelques minutes après le réveil.
Entre folie et passion, il n’y a qu’un pas.
Quoiqu’il en soit, peu importe la gueule de ma journée, à la fin, j’ai toujours un brin de fierté à quoi me raccrocher.
« 50 pompes et une douche froide ». Ce n’est pas rien.
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