Je ne peux pas, je suis en surmenage
Lundi.
Je n’ai pas réussi à rentrer à l’école. Et c’est l’une des plus belles choses qui ait pu m’arriver. Parce que ce qui s’en est suivi a été riche. L’aurait-il autant été sans ce refus d’obstacle ? Je n’en suis pas certaine.
J’ai refusé l’exemplarité pour la santé mentale. Un grand pas. Je n’en ai franchement pas eu le choix. Impossible de tirer la lourde porte de l’école de journalisme. J’étais pourtant devant, mais je ne pouvais pas rentrer. Mon corps me l’interdisait. Il était incapable de répondre à l’injonction lancée par ma raison. Au milieu de tout cela, cette boule au ventre. Encore une interminable semaine, comment je vais faire ?D’habitude, c’est simple, je découpe tout en étapes. La matinée, l’heure à venir. Mais je n’y parvenais pas.
Avec une impulsivité qui me ne correspond guère, je me suis à nouveau engouffrée dans la rame de métro. Il faut que j’aille chercher mes affaires. Prendre un train. Rentrer. Me poser.
À la gare, les pensées se bousculent. Mais tout est à la fois limpide. Je n’abandonne rien, je suis sûre de ce que je veux. Finir mes études, être journaliste dans le monde de l’outdoor, avoir des projets dans tous les sens, courir, grimper. J’ai juste besoin de prendre du temps pour moi. Sans sollicitation aucune.
Mardi.
« Deux semaines d’arrêt maladie. Et respectez-les, parce que la prochaine étape, c’est le burn-out ». Me voilà soulagée. Le médecin m’a mise sur pause. Une nouvelle vie que j’ai hâte d’expérimenter. À ce sentiment se mêle tout de même une forme de déception. Je devrais être à Lyon, travailler. J’ai abandonné.
J’ai quinze jours pour me remobiliser. Et si c’était le moment d’être bienveillante envers moi-même ? Faire des to-do lists réalistes pour ne pas sombrer. Y inclure le goûter devant « La Gloire de mon Père ». Ne pas me blâmer si je ne coche pas toutes les cases prévues. Laisser une place à l’imprévu. Et savourer, encore plus que d’habitude, l’éphémère.
Mercredi.
« Caro m’a dit que tu n’étais pas très motivée. Mais viens, on va juste passer du temps en falaise, prendre le soleil, discuter entre copines ». L’appel de Sandra me donne les larmes aux yeux. Parce que depuis deux jours, je prends chaque émotion avec force. Mais aussi parce que ça fait du bien de savoir qu’au cœur de cette mini tempête, je ne suis pas seule.
Ce n’était pas sur ma to-do list. Il avait juste écrit pour cet après-midi « Aller prendre des photos ». J’y ajoute « en falaise ». Banal mais essentiel.
Jeudi.
Je teste une nouvelle routine matinale : lire 30 minutes avant de me lever. Et puis écrire dans mon journal. Ce qui ne m’empêchera pas d’avoir une insomnie. La cause ? J’avais un texte sur mon hétérotopie à écrire.
Vendredi.
Je suis un peu moins un déchet. Grâce à Sandra, je mange plus de fruits. J’ai aussi découvert avec écoutant un podcast que ce surmenage avait une dimension chimique. Une histoire de système dopaminergique. Je n’ai pas tout compris, mais ça me rassure. Je vais continuer de creuser.
« 10 voies ? Toujours une machine Coralie » me dit Thomas qui achève difficilement sa 5e. Je ne peux m’empêcher de sourire au terme « machine ». Après avoir longtemps désiré être qualifiée ainsi, je me rends compte à quel point c’est déshumanisant. Non, je ne suis pas une machine. La preuve, je n’ai toujours pas fait de 8a. Et je n’en ferai peut-être jamais.
Aujourd’hui, je me sentais bien, j’avais envie de grimper. À l’ancienne, à Brignon, pour le Téléthon. « C’est cool que tu sois venue, tu respectes les traditions » m’a dit Romain. Je ne sais pas trop ce qu’il entendait par là. Peut-être parce que lui aussi s’est retrouvé plongé en enfance, après tout, nous n’avons que trois ans d’écart. Guilhem est toujours là. Le mur est toujours aussi vieux, la salle toujours aussi froide. Et les mamans bénévoles font toujours des crêpes. J’en ai même mangé une, au Nutella. Ca a du bon, de temps en temps, les traditions.
Samedi.
« Ça fait peur de le parer quand il est si haut, tu ne trouves pas ? ». Pas faux. Mais je ne prends même pas la peine de répondre, trop concentrée à surveiller le moindre pas d’Arthur. Il ne tombera pas.
À la descente, on checke. Dans quelques années, il me mettra des buts. J’ai presque hâte. Enfin non, parce que cela voudra dire qu’il aura grandi. Pas le temps de penser, je cours après Zozo dans la salle. Qu’est-ce que je m’amuse bien avec ces petits potes à la compote !
J’arrive à grimper. Beaucoup. Des rouges à gogo, un jeté aussi.
À la gare, les pensées se bousculent. Mais tout est à la fois limpide. Je n’abandonne rien, je suis sûre de ce que je veux. Finir mes études, être journaliste dans le monde de l’outdoor, avoir des projets dans tous les sens, courir, grimper. J’ai juste besoin de prendre du temps pour moi. Sans sollicitation aucune.
« Ce n’est pas le temps d’aller manger la raclette ? »
Dimanche.
Ça bourrine dans « Le Tube Neural », un 6c+ costaud. Pas mon style. Mais ça sort quand-même. Presqu’étonnamment. Peut-être parce que j’arrive à prendre plus de repos entre mes essais ? (Ca prend du temps de lire des histoires à Zozo face au soleil et de laver les voitures Flash Mc Queen pleines de boue). Peut-être aussi parce que ma copine vient tout juste de me prouver qu'avec un brin bienveillance envers soi-même, on pouvait enchaîner son projet de la journée ?
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