Là, sous nos yeux
- Et il arrive en courant, ça s’applaudit, scande le pilote.
La foule ayant accouru depuis les quatre coins du camping s’enflamme. Les enfants ont des étoiles dans les yeux. Au milieu de la prairie d’Ailefroide, l’hélico fait le show.
Ses hélices n’ont pas cessé de tourner. Des larmes coulent sur mes joues.
Le secouriste descendu à petites foulées du vallon du Sélé s’envole dans les airs avec ses copains. Le pilote lance, en guise d’adieu, un petit coup de sirène. L’uniforme, ça fait prendre le melon, peu importe les circonstances, me dis-je, déçue une nouvelle fois, du genre humain.
* * *
Une heure plus tôt, un bout de montagne s’est détaché. Là, sous nos yeux. J’ai filmé la scène. Pour ne jamais l’oublier. Mais surtout pour mettre un écran entre mes yeux et cette réalité qui m’éclate à la gueule.
Ca faisait plus d’une semaine que l’on entendait des craquements, des petits chutes de pierre dans cette zone. La montagne, ça bouge tout le temps, disions-nous pour nous rassurer.
Avec l’histoire d’Elsa, j’ai pris peur. Peur des chutes de pierres aléatoires, apparaissant, il faut bien le dire, au hasard du dégel du permafrost.
J’aimerais tant, je vous le jure, que les explications soient autres, que le futur n’ait pas une perspective aussi sombre. Mais le constat est là : les montagnes s’effondrent. À cause de notre inaction.
Dans le vallon du Sélé, suite à l’énorme chute de pierres (peut-on parler d’écroulement ?), les hélicos s’enchaînent pour faire état de la situation, pour redescendre les clients des deux refuges aussi.
À Ailefroide, RAS. Tout le monde vaque à ses occupations. Comme si de rien n’était.
L’iso 0 est à plus de 4800 mètres d’altitude dans les Ecrins, l’herbe est jaune, les feux sont interdits, les vans de plus en plus gros tournent dans le village. Il fait 32 degrés, les cordées vont en grande voie. Que la montagne est belle !
Comment font-ils pour survivre face à tant de paradoxes ? Tout en se permettant de faire la morale aux autres ? “Parce que l’on est plus vertueux que les autres, nous qui allons consommer la nature, bande de gueux”.
Quelle est ma part de responsabilité dans tout ça ? Dois-je me raccrocher à mes objectifs et faire, moi aussi, l’autruche ? Je crois bien que je n’y arrive pas.
Bravo
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